| Extraits | 
| ? |  | 9[[amontana |  | Amontana]] Amontana, la nuit trouble à peine ton coeur
 de palmes quand la lune, illuminant ton front
 de sa lumière bleue, apaise ta langueur
 et te fait oublier les jours noirs qui viendront.
 
 Ni l'aile furieuse et puissante du vent,
 ni le feu destructeur ne courbe ta fierté :
 ton essor végétal va toujours s'élevant,
 indifférent aux coups de la fatalité !
 
 Et ton sang continue, incessant renouveau,
 à nourrir de ton ombre ardente le tombeau
 désolé d'être seul parmi le paysage.
 
 Amontana, les jours où nous ne serons plus
 que les mânes épars des âges révolus,
 puisse ton souvenir couronner mon visage !
 
 
 |  | 10 |  | ? |  | 11[[voandelaka |  | Voandelaka]] Ce n'est pas seulement l'annonce printanière
 en cette terre où l'arbre a toujours sa verdure
 et dédie à l'amour fleuri de la lumière
 sa cime qui résiste à la grande froidure,
 
 ni l'union au bleu rose des créuscules
 du mauve parfumé qui jaillit de ta sève,
 que m'apportent, ce soir, tes primes panicules,
 ô lilas où la nuit fait retentir son rêve !
 
 Plus encor, la saison ranime en ma mémoire
 les plaisirs que j'avais sous ta frondaison noire
 à deviser avec mes amis en-allés !
 
 Et suscitée, hélas ! par ta seule venue,
 ma jeunesse surgit, découronnée et nue,
 de ton ombre où j'entends quels appels désolés !
 
 
 |  | 12 |  | ? |  | 13[[ampongabendanitra |  | Ampongabendanitra]] Fleur mauresque égarée en terre imérinienne
 qui te plaisais jadis à parer des sultanes
 ivres d'amour et de lune au pied des platanes,
 je dirai ta tristesse au seuil des mers indiennes.
 
 A la feinte de marbre et d'or d'une mosquée,
 aux briques roses d'un minaret en ruines,
 je vois, parmi la nuit et ses froides bruines,
 s'enlacer et mourir la jeunesse étriquée
 
 de tes branches qu'épouse une jeunesse vide
 de maint grain rubescent au coeur d'un ciel livide
 qui n'annonce pour toi nulle faveur d'avril !
 
 Vaine offrande en l'honneur d'une origine obscure :
 seule ta sève donatrice est encor pure,
 le sol et le soleil attestant quel exil !
 
 
 |  | 14 |  | ? |  | 15[[filao |  | Filao]], filao, frère de ma tristesse, qui nous viens d'un pays lointain et maritime,
 le sol imérinien a-t-il pour ta sveltesse
 l'élément favorable à sa nature intime ?
 
 Tu sembles regretter les danses sur la plage
 des filles de la mer, de la brise et du sable,
 et tu revis en songe un matin sans orage
 glorieux et fier de ta sève intarissable.
 
 Maintenant que l'exil fait craquer ton écorce,
 l'élan de tes rejets défaillants et sans force
 ne dédie aux oiseaux qu'un reposoir sans ombre,
 
 tel mon chant qui serait une oeuvre folle et vaine
 si, né selon un rythme étranger et son nombre,
 il ne vivait du sang qui coule dans mes veines !
 
 
 |  | 16 |  | ? |  | 17[[voahangy |  | Voahangy]] Incessant renouveau d'un arbre qui vieillit,
 fruit gonflé du soleil des zones les plus calmes,
 ô source aérienne, ô source au coeur des palmes
 et dont le jet sucré pour notre soif jaillit,
 
 disputerai-je autant à l'abeille sauvage
 qui prépare son miel en ta maturité,
 qu'à l'oiseau dont le chant nous annonce l'été,
 la clarté, le parfum, le goût de ton breuvage ?
 
 Au moins, lorsque ton ombre accueillera le soir,
 je viendrai savourant les Eglogues, m'asseoir
 devant le paysage auguste et magnifique,
 
 et vivre sous ton vocable, jusqu'à la nuit,
 fiançant, oranger nuptial, mon ennui
 aux tristesses d'un ciel profond et pacifique !
 
 
 |  | 18 |  | ? |  | 19[[laingomena |  | Laingomena]] Je te vois au tourment de l'azur bleu livrée,
 liane arborescente, ardente bougainville
 qui couronnes le coeur et le front de la Ville
 de ta flore empourprée.
 
 
 |  | 20 |  | ? |  | 21[[ravintsara |  | Ravintsara]] Laurier, usurpateur du trône séculaire
 où verdissaient jadis les arbres des Tropiques,
 et qui plantes partout tes thyrses magnifiques,
 dons de sang proposés au coeur crépusculaire,
 
 est-ce pour mieux marquer la chute de ma race
 et pour symboliser l'empreinte occidentale
 qui souille l'entité de son âme ancestrale,
 que tes ardents flambeaux veillent sur nos terrasses ?
 
 Essence d'outre-sylve aux fleurs couleur de lèvre,
 emblème de triomphe, objet de mainte fièvre,
 laurier, ce n'est pas toi qui vas ceindre mon front !
 
 Je préfère cet arbre aux vivaces racines,
 gardien de nos vallons, orgueil de nos collines,
 au pied duquel mes soeurs venaient danser en rond !
 
 
 |  | 22 |  | ? |  | 23[[manga |  | Manga]] A qui goûte ta pulpe où le soleil austral,
 suscitant de la sève une douce saveur,
 s'est tant de fois penché dans toute sa splendeur,
 ô gardien du village ancestral,  ou, passant éphémère, enchantant sa langueur
 loin des bruits d'Iarive, au pied du mont royal,
 à qui va pénétrant le palais végétal
 qu'ouvre au soir majestueux ton coeur,  dis, oh ! dis, beau manguier, qu'en tes rameaux puissants,
 il est d'autres attraits que tes fruits mûrissants
 ou que l'ombre où vibre la lumière !  Entr'ouvre-les parmi les pâleurs de l'azur
 et que se montre aux yeux le mausolée obscur
 sous lequel dort la race première !
 
 |  | 24 |  | 65 |  | 25[[aviavy |  | Aviavy]] Arbre qui prends racine aux pierres des tombeaux
 et dont la sève vive est peut-être le sang
 de ceux qui furent les flambeaux
 de mon [[emyrne
 
 |  | 26 |  | Emyrne]] et de son esprit finissant,  tu dresses dans l’azur ton palais ténébreux qui ne fait retentir dans le front du matin
 que les appels silencieux
 de nos morts contre les astuces du Destin !  Et tu nous dis, bel arbre isolé, de rester
 nous-mêmes et d’avoir ta suprême fierté
 d’épouser nos seuls paysages.  Ah ! qu’à te voir, ficus aux feuillages légers,
 bien que naissant parmi des rythmes étrangers,
 mon chant s’inspire de nos sages!
 
 |  | 27 |  | 66 |  | 28[[zahana |  | Zahana]] Ce n'est pas au jeu vain de nos vieux amoureux
 qui s'écrivaient, jadis, sur tes feuilles naissantes
 et, se rendant le soir en ton sein ténébreux,
 saccageaient les rosiers sauvages de nos sentes,  ni même à la saveur de tes fruits succulents
 où jutent les soleils de notre terre chaude,
 que ton nom inconnu se doit d'être en mes chants
 et d'y répandre tes purs frissons d'émeraude !  Mais, exilé des lieux d'où nous sommes natifs,
 tu n'as plus dans nos champs que des jets maladifs
 qu'une terre inclémente et stérile harasse !  Comme le mien ton front n'offre plus au matin
 que les dernières fleurs d'un arbre qui s'éteint,
 et ta défaite est soeur de celle de ma race !
 
 |  | 29 |  | 46 |  | 30Souffle, ô vent, dans la conque embaumée | des daturas et de leurs hybrides,
 enchantement des terres arides
 de ma vieille [[emyrne
 | Emyrne]] décimée 
 |  | 31 |  | 77 |  | 32la piété qu'on doit aux morts que l'on oublie | et mon ferme désir de vivre en le génie
 de l'[[emyrne
 | Emyrne]] qui meurt 
 
 |  | 33 |  | 96 |  | 34Une légende obscure et vaine nous rallie, | race éteinte d’[[emyrne
 | Emyrne]] au bois découronné, à l’archipel lointain de la Polynésie
 dont le passé floral n’est pas plus fortuné.
 
 |  | 35 |  | 113 |  | 36je pense aux jours futurs où des palais de pierre | et des usines spacieuses
 briseront en mon [[emyrne
 | Emyrne]] silencieuse les lignes de l’azur et les flots de lumière
 
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